Faut-il s’attendre à des canicules à répétition ?
Le climat se modifie de plus en plus vite. 2019 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée.
Il est fort probable que les tendances observées en début de siècle s’accentueront encore avec :
- une forte hausse des températures moyennes pour certains scénarios : de 0,9 °C à 1,3 °C pour le scénario de plus faibles émissions, mais pouvant atteindre de 2,6 °C à 5,3 °C en été pour le scénario de croissance continue des émissions ;
- un nombre de jours de vagues de chaleur qui pourrait dépasser les 20 jours au Sud-Est du territoire métropolitain ;
- des épisodes de sécheresse plus nombreux dans une large partie sud du pays, pouvant s’étendre à l’ensemble du pays ;
- un renforcement des précipitations extrêmes sur une large partie du territoire…
Pourquoi fait-il toujours plus chaud en ville ?
Il n’est pas rare de voir des différences de plusieurs degrés, la nuit comme le jour, entre la ville et la campagne. Pour une grande agglomération comme Paris, lors d’un été classique, la différence de température est de l’ordre de 3 à 4 °C, mais cet écart peut être beaucoup plus élevé en période de canicule : de 5 à 10 °C avec des nuits qui restent très chaudes.
Plusieurs raisons expliquent cette surchauffe urbaine :
- L’organisation des villes ne permet pas une bonne circulation de l’air et d’évacuer la chaleur : plus les rues sont rectilignes et forment un quadrillage (comme en Amérique du Nord), plus la chaleur est piégée. À l’inverse, plus les rues sont sinueuses, comme dans beaucoup de centres-ville anciens, plus la chaleur s’évacue facilement. Il est en effet essentiel laisser l’air traverser facilement des îlots d’immeubles et ne pas le bloquer dans de longues avenues bordées de hauts immeubles.
- Les matériaux et leur couleur jouent sur l’albédo (pouvoir de réflexion des rayons du soleil sur une surface, classé sur une échelle de 0 à 1 – plus le taux s’approche de 1, plus la surface est peu réfléchissante et accumule donc de la chaleur).
Par exemple, les routes et trottoirs sombres et bitumés stockent la chaleur (par une journée ensoleillée, l’asphalte noir peut monter à 80 °C), alors que les murs en pierre peints en blanc (comme dans d’anciens villages grecs) la rejettent.
Autre exemple : un toit exposé au soleil peut atteindre une température de 80 °C si sa couleur est foncée, 45 °C si sa couleur est blanche et seulement 29 °C s’il est recouvert de végétaux. - La faible proportion de végétaux en ville ne permet pas le rafraîchissement de l’air : les arbres et les plantes font de l’ombre au sol et « transpirent ». Les gouttelettes d’eau en s’évaporant dans l’atmosphère absorbent les calories de l’air. C’est pourquoi il fait souvent plus frais en forêt ou à proximité des jardins publics.
- Les bâtiments sont de plus en plus climatisés : les climatisations enlèvent de la chaleur à l’intérieur des bâtiments pour la rejeter à l’extérieur et réchauffent ainsi encore plus l’air des zones urbanisées.
Que faire pour améliorer rapidement le confort des habitants des villes ?
Redonner plus de place à la nature en ville
Un seul arbre mature au sein d’une plantation d’arbres évapore 450 litres d’eau quotidiennement, soit l’équivalent de cinq climatiseurs fonctionnant 20 heures par jour.
Une recommandation de l’ADEME consiste à végétaliser davantage les zones urbaines, notamment les cours d’école. Il est possible aussi de végétaliser des toits, des façades, des parkings… À Paris, par exemple, la végétalisation des grandes toitures plates est devenue obligatoire dès que cela est possible et la pratique de l’agriculture urbaine est encouragée sur les terrasses supérieures à 500 m².
Autre exemple : en Colombie, dans la ville de Medellín où 30 « couloirs verts » ont été créés au bord de 18 routes et de 12 voies navigables. Plus de 8 300 arbres et 350 000 arbustes ont été plantés. Les espèces ont été soigneusement choisies pour fournir de la nourriture à la faune sauvage — oiseaux, mammifères et insectes — et lui permettre de circuler à travers. Cela a permis de réduire la température de plus de 2 °C par endroits, de stimuler la biodiversité et d’améliorer la qualité de l’air la ville. Des habitants défavorisés et sans emploi ont été formés pour prendre soin des arbres et des plantes. Depuis que le programme a démarré, 75 nouveaux jardiniers ont été recrutés.
Installer rapidement des protections solaires sur les surfaces vitrées
Beaucoup de bâtiments tertiaires et d’habitats collectifs ne disposent pas de volets, de stores… pour stopper les rayons du soleil. C’est pourtant une solution efficace pour réduire la surchauffe des logements et des bureaux.
Peindre certaines surfaces en blanc
Quelques villes tentent l’expérience, comme à Los Angeles (USA) où certaines routes ont été repeintes en blanc. Elles seraient alors de 5 à 7 °C moins chaudes que d’autres rues de couleurs sombres.
Humidifier l’air des villes
L’évaporation de l’eau permet de rafraîchir un peu l’atmosphère. À Nice par exemple, la ville a installé des « pavés à rétention d’eau » sur un lit de sable et un tuyau alimente l’intérieur de ce lit de sable en eau qui remonte ensuite par capillarité vers les pavés. Via des pores laissant échapper l’eau et l’air, le pavé humide rafraîchit l’air ambiant.
La climatisation ne peut pas être la seule solution
De plus en plus de Français s’équipent de systèmes de climatisation, augmentant encore leur consommation d’électricité dans une période de l’année où de nombreuses centrales nucléaires sont à l’arrêt pour maintenance. Si cette tendance se confirme, la demande d’électricité pourrait dépasser les capacités de production d’électricité de la France pendant l'été.
Depuis deux années consécutives, les épisodes caniculaires ont favorisé le marché des pompes à chaleur air/air réversibles (+18 % en 2018 et +27,3 % en 2019). Ces systèmes peuvent être utilisés comme système de chauffage mais également servir l’été en mode climatisation.
Comment adapter les villes pour les rendre plus agréables en été ?
Plusieurs solutions existent, mais planter des arbres ne saurait suffire à rendre les villes durables : c’est tout l’urbanisme des villes qui a besoin d’être repensé.
Végétaliser judicieusement la ville pourrait permettre de réduire la température de 5 à 6 °C et la consommation énergétique pour l’air climatisé de 50 % à 70 %. Il est préférable d’implanter des végétaux un peu partout plutôt que de créer une forêt urbaine en un seul point.
La création de fossés humides, de bassins de rétention permet de retenir l’eau au lieu de l’évacuer.
En rendant les sols des villes plus perméables (création de surfaces en herbe, noues, bassins d’infiltration, sols en graviers, béton poreux, chaussées poreuses…), l’eau cessera de ruisseler sur l’asphalte, pénètrera dans le sol et pourra s’évaporer ensuite progressivement en créant de la fraîcheur.
C’est aussi une solution pour répondre aux risques d’inondation en raison d’épisodes plus fréquents de fortes pluies.
À Shanghai par exemple, des rues sont construites avec des matériaux perméables, permettant à l’eau de pénétrer dans le sol. Les terre-pleins centraux, remplis de plantes, y sont transformés en jardins pluviaux. Une multiplication de parcs, un lac artificiel, des toitures végétalisées ou équipées de réservoirs complètent le dispositif. Le gouvernement de Shanghai voudrait que chaque quartier pilote intègre des solutions de « ville éponge » sur 20 % de son territoire avant la fin 2020, puis atteindre 80 % de la surface de la ville en 2030.
Il est aussi essentiel de rénover le plus possible de bâtiments dès à présent pour diminuer leurs besoins de chauffage et de climatisation. Pour les constructions neuves (soit 1 % du parc des bâtiments tous les ans), la ventilation naturelle et le bioclimatisme sont désormais intégrés. Pour encourager les particuliers à rénover leurs logement, plusieurs aides financières sont disponibles. A découvrir dans notre rubrique "Finances"
En France, depuis 10 ans, de nombreuses villes se sont lancées dans la construction d’éco-quartiers.
À Paris, par exemple, les espaces urbains de l’Écoquartier de Clichy Batignolles ont été conçus de façon à ce que les usagers (habitants, salariés sur le site, passants, etc.) bénéficient d’un meilleur rafraîchissement grâce au parc Martin Luther King de 10 hectares avec des arbres et des arbustes aux essences variées, à des allées de couleurs claires, de manière à ne pas stocker la chaleur, à la présence d’eau (fontaines, jets d’eau ayant également une fonction ludique pour les enfants), à la récupération de l’eau de pluie dans un fossé humide puis stockée dans une cuve, pour arroser le parc. Des plantes aquatiques au sein du bassin biotope permettent d’épurer en partie l’eau.
De plus, les espaces verts privés ne sont pas en manque avec plus 6 500 m² et 16 000 m² de toitures végétalisées.
Pour aller plus loin
Poursuivez votre lecture avec ces quelques ressources utiles :
- Article - Le changement climatique en 10 questions
- Article - Face au changement climatique, six réponses des collectivités pour s’adapter
- Article - Le changement climatique
- Communiqué de presse - Lettre Recherche n° 31 de juin sur le rafraîchissement urbain
- Guide - Aménager avec la nature en ville
- Infographie - Climatisation : comment limiter la consommation d'électricité ?