Connaître et comprendre les leviers de décarbonation
Sobriété énergétique et matière, efficacité énergétique, mix énergétique, efficience matière : identifiez quels sont les leviers d’action qui vous permettront de décarboner durablement vos activités.
Adopter une démarche de sobriété énergétique et matière
La décarbonation de l’industrie est aujourd’hui essentielle pour atteindre la neutralité carbone. Les enjeux sont aussi bien techniques, économiques, financiers que sociétaux. Cette démarche permet notamment d’optimiser vos consommations d’énergie, de matières premières et de réduire votre dépendance aux énergies fossiles. Pour y parvenir, plusieurs leviers d’action peuvent être envisagés.
La mise en œuvre d’une démarche de sobriété est un préalable à la décarbonation de l’industrie. Une démarche de sobriété énergétique consiste à questionner les besoins de l’entreprise et ses modes de production de façon à éviter la consommation d’énergie. Elle se traduit par une réduction de l’appel à certains biens ou services et l’objectif de transformation de son modèle économique.
Adopter une démarche de sobriété énergétique et de matière consiste :
- dans un premier temps, à améliorer l’efficience de l’activité en utilisant les matières premières de manière plus responsable : optimisation des process, réduction des gaspillages, éco-conception des produits (cette efficience passe notamment par une sensibilisation des équipes aux bonnes pratiques et une organisation du travail visant à optimiser les consommations de ressources)
- repenser son modèle économique en explorant trois domaines de sobriété : de taille, d’usage et/ou de coopération afin de limiter la dépendance du chiffre d’affaires au nombre de produits mis sur le marché
- cette démarche doit être couplée à une stratégie d’innovation pour trouver de nouvelles technologies et procédés plus efficaces et durables
Améliorer votre efficacité énergétique
L’amélioration de la performance énergétique des technologies et des procédés permet de réduire les consommations énergétiques de l’industrie : c’est la première étape clé à mettre en œuvre dans toute démarche de décarbonation.
En améliorant votre efficacité énergétique, vous agissez concrètement pour :
- réduire votre facture énergétique
- réduire votre empreinte carbone
- connaitre vos réels besoins énergétiques pour dimensionner au mieux vos prochains investissements
L’efficacité énergétique peut être mise en œuvre par le remplacement d’une utilité par un équipement plus performant énergétiquement ou par l’ajout d’équipements auxiliaires améliorant l’efficacité énergétique du procédé. Par exemple :
- La mise en place d’un équipement de recompression mécanique de vapeur (RMV) sur un procédé utilisant de la vapeur, permet de diminuer la production de vapeur primaire.
- L’installation de brûleurs à oxycombustion sur un four fonctionnant au gaz naturel, permet de diminuer le besoin thermique en évitant la chauffe du N₂ de l’air.
Récupérer la chaleur fatale
La récupération et la valorisation de la chaleur fatale issue de l’industrie constituent un potentiel d’économies d’énergie à exploiter en priorité avant d’envisager d’autres sources d’énergie renouvelable.
Ce levier de décarbonation vise à récupérer la chaleur perdue dans les fumées ou les effluents par exemple et, de la valoriser pour vos besoins énergétiques.
L’utilisation de la chaleur récupérée peut se faire suivant deux voies :
- Une valorisation en interne, pour répondre à des besoins de chaleur propres à l’entreprise (procédés ou utilités)
- Une valorisation en externe, pour répondre à des besoins de chaleur d’autres entreprises voisines, ou plus largement, d’un territoire, via un réseau de chaleur
En dernier recours, la chaleur récupérée peut aussi être transformée en électricité via par exemple une machine à cycle organique de Rankine (ORC). Cette valorisation électrique est à considérer uniquement si une valorisation thermique n’est pas possible, en raison du faible rendement énergétique de ces machines.
Modifier votre mix énergétique
La modification du mix énergétique permet de réduire les émissions de GES liées à l’usage d’énergie, notamment pour la production de chaleur (vapeur, eau chaude…), qui représente deux tiers des consommations de l’industrie. Elle est notamment permise par :
Le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables thermiques
Chaque site peut être alimenté par au moins une Énergie Renouvelable et de Récupération (EnR&R) : biomasse, géothermie, solaire thermique, etc.
Mieux, plusieurs solutions complémentaires sont envisageables en fonction des spécificités des secteurs et de leurs process :
- Les technologies fournissant de la chaleur dite haute température (> 100 °C) grâce à la biomasse, au biogaz ou à la récupération de chaleur.
- Les technologies fournissant de la chaleur dite basse température (< 100 °C) comme la récupération de chaleur, la géothermie TBE (Très Basse Énergie) ou le solaire thermique .
- Les technologies permettant de produire de l'électricité pour tous les procédés étudiés.
Pour faciliter l'intégration de ces EnR&R en partageant les risques et en levant les difficultés technico-économiques, vous pouvez vous appuyer sur tout un écosystème : les fournisseurs de technologies, les opérateurs de service et les acteurs du financement au travers de modèles économiques innovants.
L’électrification directe
Les procédés thermiques représentent un gisement considérable d’électrification et plus particulièrement dans les secteurs opérant à basse température (inférieure à 150 °C) et ayant des besoins importants en chauffage des fluides ou en séchage comme dans l’industrie agroalimentaire, du papier ou de la chimie. Appliquées à ces procédés, les pompes à chaleur (PAC) ou la recompression mécanique de vapeur (RMV) permettent des gains énergétiques significatifs pour la production d’eau chaude ou de vapeur.
Jusqu’à 400 °C, les technologies de chauffage reposant sur les résistances sont applicables pour une large variété de procédés, notamment le chauffage des fluides, les fours et le séchage de produits solides dans l’agroalimentaire, la plasturgie et la chimie. Elles se révèlent, de plus, compétitives face aux solutions à base de gaz naturel.
À haute température (supérieure à 1 000 °C), l’électrification de procédés spécifiques dans les secteurs de la sidérurgie, de la métallurgie et du verre est envisageable avec des fours à induction, à arc ou à convection. En fonction des procédés, et des contraintes de production et de qualité produit, des montées progressives des taux d’électrification sont possibles.
L’électrification indirecte des procédés industriels via l’hydrogène
L’utilisation d’hydrogène, gaz qui peut être produit par électrolyse à partir d’eau et d’électricité, est une façon indirecte d’électrifier les besoins énergie et matière de l’industrie et ainsi réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Cela concerne en premier lieu les industriels qui consomment actuellement, pour leur process, de l’hydrogène carboné produit à partir de ressources fossiles (gaz naturel), comme dans le raffinage et l’industrie des engrais.
Au-delà, l’hydrogène issu d’électrolyse peut être un levier de décarbonation dans le cadre d’un changement de process : c’est notamment le cas dans la sidérurgie (réduction directe du minerai à la place du gaz de coke issu du charbon) et de la chimie (production de méthanol, molécule de base en chimie, à partir d’hydrogène et de CO2, en lieu et place du méthanol actuel, carboné car issu du gaz naturel).
Ponctuellement, l’hydrogène pourrait aussi être utilisé comme combustible pour des procédés à flamme haute température, comme les fours (verrerie, métallurgie, tuiles et briques), pour lesquels l’électrification directe s’avère compliquée.
Ces solutions restent valables à condition de disposer de capacités électriques et d’un approvisionnement en hydrogène bas carbone ou renouvelable compétitif sur le territoire.
- Découvrez notre article Optez pour l’hydrogène renouvelable et bas carbone
Améliorer votre efficience matière et choisissez des intrants alternatifs
Plastique, acier, bois… Les matières premières que vous utilisez dans vos process de fabrication représentent un coût financier important et incontournable. Depuis 2015, leurs prix ont augmenté en moyenne de + 50 %. Les enjeux économiques liés à la réduction des pertes matières sont donc d’autant plus cruciaux.
L’efficacité matière permet :
- d’utiliser la juste quantité de matières, en produisant mieux avec moins
- et d’augmenter le recyclage, en limitant les pertes, les rebuts et les invendus à toutes les étapes de la production.
L’efficacité matière nécessite de bien trier pour avoir des matières de qualité et de valoriser les déchets qui n'auront pas pu être recyclés.
Le développement d’intrants matières alternatifs permet de réduire l’empreinte environnementale de la production industrielle, à travers :
- L’incorporation de matière recyclée (utilisation de ferraille en métallurgie, de calcin recyclé dans l’industrie du verre, de papier recyclé dans l’industrie du papier-carton…) qui permet de réduire l’énergie nécessaire au chauffage, à la fusion, etc.
- La modification des intrants, par l’utilisation d’autres ressources à empreinte environnementale réduite (substitution au clinker dans l’industrie cimentière, utilisation de matériaux biosourcés, etc.).
- La réduction des intrants fortement émetteurs de GES autres que le CO2 (substitution des fluides frigorifiques à fort Pouvoir de Réchauffement Global…).
Il s’agit de réduire l’impact environnemental des matières utilisées et d’adapter le process de production en conséquence afin de préserver la qualité et les caractéristiques des produits.
Dans certains cas, captage et stockage ou utilisation du CO₂
Dans les cas où une décarbonation complète de l’activité industrielle ne peut être atteinte – en particulier pour les émissions issues de réactions chimiques – des technologies de captage, stockage géologique et/ou valorisation de CO2 pourront être mises en place.
La technique utilisée pour capter et stocker le CO2, appelée CCUS (pour Carbone Capture, Utilization and Storage - Captage, stockage, utilisation du CO2), permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Elle consiste à capturer le CO2 généré par les processus de production, à l’utiliser et à le stocker de manière permanente, généralement sous terre. Pour autant, le stockage géologique de CO2 reste dépendant de la proximité de capacités on-shore (à terre) ou off-shore (en mer), de sa viabilité technico-économique ainsi que d’éventuelles résistances locales vis-à-vis des installations.
Le CO2 capté peut être valorisé pour plusieurs usages, notamment en utilisation directe ou pour produire des carburants synthétiques, des produits chimiques ou encore des matériaux de construction (béton…). Les technologies CCUS restent toutefois encore coûteuses, difficiles à mettre en œuvre et peuvent se révéler énergivores.